Explications du Docteur Rossignol
Wellington : Choix thérapeutique et aspects
techniques du traitement
Les fractures des os longs chez le cheval
présentent des spécificités qui rendent leur traitement beaucoup plus compliqué
que chez l’homme ou les petits animaux.
1)
Même si certaines fractures
peuvent cicatriser par une immobilisation externe (plâtre ou pansement avec
attelles), une stabilisation à l’aide d’implants est souvent nécessaire lors
de fractures déplacées ou instables
2)
Au vu du poids de l’animal et de
la mise en appui immédiate sur le membre après l’anesthésie générale, le réveil
est un élément à haut risque pour le montage chirurgical qui est alors
fortement mis en contrainte
3)
De plus, les forces qui s’exercent
sur les implants en cas de fixation interne par plaque et vis sont colossales.
Plus la fracture est proximale, c’est-à-dire « haute », plus les
forces appliquées sur le montage sont importantes. Dans ces régions hautes, la
mise en place d’un plâtre pour la période postopératoire immédiate est de plus
très délicate.
4)
Un cheval ne peut pas appuyer sur
3 jambes et décharger son membre fracturé (comme un chien par exemple) car le
pied du membre opposé ne peut pas supporter tous le poids. En cas d’excès de contraintes
sur ce pied, on aboutit à un désengrènement des attaches du pied (fourbure de
surcharge) souvent fatal
5)
Un cheval ne peut pas rester non
plus la majorité de sa vie couché même pendant une courte période car du fait
de son poids et de la finesse de ses tissus, il développe rapidement des
escarres
6)
Le cheval est enfin une espèce
particulièrement sensible à l’infection chirurgicale
Toutes ces particularités permettent de
comprendre que pour traiter avec succès une fracture chez le cheval il faut
trouver une technique permettant de stabiliser la fracture pour permettre sa
cicatrisation mais aussi de restaurer rapidement un appui au moins partiel du membre
traumatisé. Nous utilisons depuis plusieurs années des plaques et vis de
nouvelle génération, appelés implants LCP ou verrouillés qui permettent
d’obtenir une excellent stabilité et une bonne résistance à la contrainte sur
de nombreuses fractures.
Wellington présentait une fracture de la
partie distale (basse) du radius. Chez le cheval adulte ces fractures ne sont
pas rares et surviennent souvent lors de coups de pied, en général au pré. Lorsqu’elles sont non déplacées
et stables, ces fractures cicatrisent généralement avec un repos au boxe et une immobilisation debout
par une attache à l’aide de longes coulissantes, par système de hamac ou à
l’aide d’un compensateur de charge. Lors de fractures simples instables et
déplacées une fixation interne à l’aide de plaques verrouillées et de vis peut
parfois être tentée.
Malheureusement lors de fractures multiples
(« comminutives ») ou ouvertes, les implants modernes actuels ne sont
pas encore assez solides et l’euthanasie pour raisons humanitaires est indiquée
La fracture de Wellington était ouverte et
trop basse pour que la mise en place de plaque et de vis puisse apporter une
stabilisation suffisante. Nous avons donc choisi une forme de fixateurs
externes, le plâtre transfixant. Nous avons développé cette technique à la
clinique il y a quelques années et l’avons utilisé sur plus d’une vingtaine de
chevaux maintenant. Une partie des résultats est publié le mois prochain dans
le journal américain de chirurgie vétérinaire « Veterinary Surgery ».
Cette technique consiste à insérer des broches
filetés de gros diamètre dans un os au-dessus de la partie fracturée et de les
incorporer dans un plâtre. Elles jouent alors le rôle à la fois de fixateurs
externe pour stabiliser la fracture mais aussi « d’attelles
internes » pour permettre au cheval d’appuyer sur son membre fracturé.
L’utilisation du hamac avait pour but de
permettre à Wellington de se reposer et de soulager ses membres sans se coucher
car nous craignions que la fracture ne
supporte pas les contraintes appliquées lors des relevés répétés, et cela même
avec présence du plâtre.
Wellington a très bien réagi à cette double
immobilisation en raison d’une grande intelligence lui permettant de s’adapter
à toutes les nouvelles contraintes qui lui étaient imposées et de les utiliser
à son profit.
La fourbure évoluant lentement sur son pied est
un nouveau défi que nous allons essayer de surmonter avec lui et donc l’issue reste malheureusement
toujours incertaine.
Le Maréchal Ferrant, Monsieur Xavier Moreau fait un travail exceptionnel. Notre
but à moi-même et à toute mon équipe qui de bat nuit et jour pour ce cheval est
de lui donner toutes les chances possibles de survie tout en limitant sa
souffrance et favorisant au maximum son bien-être.
Le courage et l’intelligence de Wellington est
une extraordinaire récompense pour toute l’équipe et entretiennent notre espoir et notre motivation dans ce
combat qui n’est pas encore gagné.
[Merci à Fabrice Rossignol pour ce compte rendu]